Enfin lancées ! Une espèce TRÈS délicate...
Mon dernier billet remonte à il y a un an, pas mal de choses se sont passées depuis et je désespérais un peu quant à l'avenir de cette fondation ! Aux dernières nouvelles, elles semblaient bien parties, mais l'espèce s'avère être très très délicate à maintenir et requiert des conditions de maintien et des soins assez spécifiques, besoins que l'on ne retrouve pas chez les autres espèces du même genre.
Ayant une fois de plus perdu leur couvain, j'ai essayé de les aider en leur procurant quelques cocons de Serviformica le 21.06.2016. Malheureusement, bien que les cocons aient éclos, ça n'a pas suffi à relancer la ponte, et la colonie est entrée en récession jusqu'à sa mise en hibernation le 07.10.2016.
Sorties d'hibernation le 18.01.2017, soit après trois longs mois au frais, le risque de déclin de la colonie était très important, mais je me suis donné à fond et elles aussi : le 05.02.2017, j'ai découvert les premiers oeufs de l'année dans leur tube à essai ! C'était prometteur, mais pas gagné (les deux années précédentes ayant commencé exactement de la même manière).
Mais à force de notes, de réflexion et d'essais, j'ai fini par trouver les bons paramètres chez cette espèce qui n'est, il me semble, maintenue nulle part ailleurs en Union Européenne (j'ai cependant trouvé une ébauche de blog très intéressante du côté de nos voisins russes). Aussi, à mi-mars, j'ai dû modifier la recette des liquides sucrés que je donne à cette colonie pour parer à toute carence (quand je disais qu'elles sont délicates à maintenir, ce n'était pas une parole en l'air...), et j'ai commencé à la même période à distribuer des blattes "red runner" décongelées (gonflées à bloc nutritivement de leur vivant). Bref, quelle ne fut pas ma joie de voir les oeufs devenir des larves, et les larves des cocons, avec un très fort taux de réussite oeuf-->cocon ! Au 13.03.2017, je pouvais compter une bonne vingtaine de cocons, quelques larves, et un tas d'oeufs gros comme la reine !
Mais c'est précisément à cet instant que la catastrophe "annuelle" s'est mise en oeuvre : j'ai commencé à retrouver des ouvrières agonisant sur le dos dans le tube, comme paralysées... Au 19.03.2017, il y avait déjà deux ou trois cas de décès suspects chez les rares ouvrières à avoir vu le jour l'année précédente... Par conséquent, j'ai analysé ces cadavres au microscope, puis la colonie, pour déceler la présence de parasites. Le tube à essais sentait horriblement mauvais (j'ai même surpris une mouche phoride à s'introduire dans le tube...), bref tout laissait penser à un problème d'acariens, mais la difficulté avec cette espèce est qu'elle se "braque" à la moindre intervention : les années précédentes, les oeufs ont disparu suite aux changements de tubes, et la ponte avait été stoppée.
Par peur de reproduire le même schéma que les années précédentes, j'ai préféré attendre, la présence d'un couvain abondant (notamment pour ce qui est des oeufs) étant un indicateur de bien-être assez fiable, et les cocons de la première ponte de l'année étant sur le point d'éclore...
Le 24.03.2017 (c'est à dire la semaine dernière) la toute première ouvrière de l'année 2017 a vu le jour, une grande fierté pour moi, les besoins de cette espèce ayant été vraiment très durs à déterminer !
Restait une bonne vingtaine de cocons à éclore, quand au 25.03.2017, j'ai découvert un acarien fixé entre les mandibules de la reine... Scénario catastrophe conduisant souvent à la mort de l'individu parasité, j'ai dû prendre une décision difficile : J'ai extrait la reine et l'ai traitée au carbonate de calcium... Je n'avais jamais fait ça sur une Formica, seulement sur des Polyergus qui ont une cuticule plus épaisse ! Mais ne connaissant que trop bien l'issue d'un parasitage de ce type, j'ai choisi de tenter le tout pour le tout.
Par chance, l'opération a été couronnée de succès, aussi j'ai choisi un protocole me permettant de traiter les ouvrières sans les extraire, via la reine, et sans détruire les oeufs et larves du fait du traitement. J'ai découvert les années précédentes que des particularités anatomiques font de cette espèce une cible de choix pour les parasites, il a donc fallu prévoir des techniques adaptés quant au maintien de la colonie, qui aujourd'hui sont un franc succès, et je n'en suis pas peu fier : la difficulté était de taille et les risques bien présents ! Mais cette colonie a vraiment ma préférence, elle est l'aboutissement de longues années de recherches et de maintien de diverses espèces insatisfaisantes du genre Formica, aussi elles sont vraiment magnifiques...
Le lendemain du traitement, voyant que tout allait bien, j'ai entrepris de priver la colonie d'humidité pour les inciter à emménager dans un nouveau tube à essais aménagé, ai totalement désinfecté l'aire de chasse à l'alcool à brûler, et passé le substrat que j'utilise pour maintenir cette espèce au four à 250°C pendant une bonne demi-heure. Aussi j'ai modifié le tube à essai aménagé pour empêcher les ouvrières de ramener du substrat à l'intérieur et des éléments non-consommables des proies qu'elles ont à disposition, et prévu une petite modification permettant un changement très fréquent de tube sans avoir à les déranger par une intervention directe.
Aujourd'hui la colonie est en pleine expansion, cette semaine la plupart des cocons ont éclos d'un coup, les ouvrières Formica sanguinea sont débordées et il commence à y avoir une nette majorité d'ouvrières Formica truncorum, revêtant des couleurs de plus en plus vives bien que ressemblant toujours beaucoup à des Formica polyctena, ce qui est dû au fait qu'il s'agit de la première génération d'ouvrières de la colonie (deux ans après la capture de la reine, il fallait s'accrocher mais ça en valait le coup).
La quantité d'oeufs est vraiment impressionnante, ça promet pour la suite ! J'ai vraiment hâte de voir apparaître des ouvrières bien typées telles que la toute dernière "soldate" Formica truncorum qu'il reste dans la colonie.